Déracinée
Née dans un foyer rempli d' amour et de rires d'enfants, fauchée à la base par la maladie et le malheur des miens, déchirée par les circonstances de la vie, déracinée par le hasard à l'autre bout
de la terre au langage différent, déracinée selon le bon vouloir des dirigeants à chaque bout de la terre, déracinée selon le bon vouloir d'étranges inconnus en quête de charité, te reverrai-je
un jour pays natal?
Etrangère ici, le serai-je en mes terres? Me sentirai-je chez moi, plus que je ne le suis ici, en ce sol étranger? Des années ont passé depuis, mais en mes entrailles je rêve de ce retour. Des
attaches se sont crées en ce sol, pourtant il y a l'appel du grand large. Que ne donnerai-je pour que dans le dos me poussent des ailes en ce jour. Rêves d'escales se forment au gré de mes
fantaisies en ce nouvel éclairage. Mais jamais ne perdant le but à atteindre, retardant cet instant où, O victoire, à l'horizon je verrai poindre ce pays tellement cherché, aimé, au de là des
mots.
Hélas, par peur que le rêve ainsi projeté ne soit qu'une chimère ou irréalisable, je reste là, par peur aussi de n'être point chez moi parmi les miens, sans les mots pour communiquer. Car il y a
des amnésies qu'on ne peut expliquer, tel le sable dans le sablier qui grain par grain s' échappe au fil du temps. Telle est la mémoire qui nous joue de vilains tours. Bien des souvenirs que l'on
veut effacer nous restent. Et d'autres qu'on aimerait garder, tel un trésor, se faufilent malgré soi dans l'entonnoir.
Ainsi, des heures à ma fenêtre, je rêvasse, contemplant le ballet des oiseaux qui sûrement ont survolé cette partie reculée, qu'on appelle ici l'extrême orient, lié pour je ne sais quelle raison
à la quintessence, de ses soies, ses parfums, ses épices et ses femmes, si jeunes et belles.
Te reverrai-je un jour, O pays de mon enfance?
Sohyoungmi